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Chroniques de Travail: «Le chef a aucune idée du terrain»
Je m’appelle Selim et je travaille à temps partiel comme art-thérapeute dans une structure d’accueil pour personnes en situation de handicap. Normalement, j’ai pas mal de liberté dans mon travail et j’aime bien ce que je fais. Mais quelques mois après mon engagement, on m’a informé que j’avais le choix de prendre quatre de mes cinq semaines de vacances en bloc en été ou de travailler pendant cette période dans un des groupes où vivent les résident∙es. Apparemment, les autres animateur∙ices ont demandé de pouvoir travailler dans les groupes pour éviter de devoir prendre pratiquement toutes leurs vacances d’un coup juste parce que les ateliers ferment pendant l’été où moins de résident∙es sont présent∙es. Mais c’est évident qu’il faut aussi que nous remplacions les collègues qui partent en vacances en été et que c’est pour ça que les ateliers ferment et que nous devons aider aux soins.
Moi personne m’a dit que j’avais le choix de prendre mes vacances au lieu de travailler dans un groupe. Au contraire, on m’a dit que je devais aller dans un groupe. De plus, même si la plupart de mes collègues animateur∙trices sont aussi des ASSC (assistant∙es en soins et santé communautaire), moi je n’ai jamais été dans les soins et mes supérieurs le savaient. Au début on m’a fait travailler avec quelqu’un qui faisait tous les soins, mais au bout du troisième jour, il a été muté à un autre groupe. Ma nouvelle collègue ne savait pas que je n’étais pas ASSC et m’a simplement dit de faire la douche à Untel ou de laver Unetelle sans aucune instruction. Parfois il fallait soulever des personnes qui pèsent 80 kilos et plus. Je devais aussi habiller les personnes, leur mettre des bas de contention. Je n’avais jamais fait ça ! Et ce n’est que le lendemain, quand j’ai vu une collègue mettre des bas que j’ai réalisé que la veille je n’avais pas fait tout juste.
Vu qu’il n’y a pas vraiment de chef∙fe dans ces groupes à qui j’aurais pu demander des choses, je ne savais par exemple pas si je pouvais prendre des pauses. Et comme je ne fume pas, j’ai fini par ne pas en prendre. A midi, on aide les résident∙es à manger puis on se met à table avec les résident∙es qui arrivent à manger elleux-mêmes. Les collègues qui fument prennent une petite pause clope après le repas, mais les autres ne décrochent jamais vraiment du travail.
Un jour, j’ai observé une situation qui m’a vraiment choqué. Ne savant pas si c’était normal qu’une résidente se fasse traiter de telle manière, j’en ai parlé à mon supérieur direct, le responsable des ateliers. Il est ici depuis 30 ans, il a bossé dans tous les groupes, il connaît les histoires de tout le monde, contrairement au grand chef qui est censé superviser les groupes, mais qui n’y va jamais et qui ne sait rien des résident∙es. L’autre jour il était étonné quand on lui a dit qu’une des résidentes était autiste… ! Heureusement que mon responsable direct a pris les choses en main, après que je lui ai parlé de l’incident que j’avais observé, et il est allé parler au grand chef. Il s’est avéré que celui-ci avait donné son accord pour le traitement de la résidente concernée, même s’il n’en savait strictement rien. Finalement, la résidente a été pris en charge différemment et a pu changer de groupe.
Pourtant, ce n’était pas du tout son rôle ou sa responsabilité de le faire. Mais c’est tout le temps comme ça, notre chef il se décharge de tout sur tout le monde. En même temps il pense qu’il sait tout parce qu’il a fait des études. Mais il est beaucoup trop dans la théorie, il a aucune idée du terrain. Alors il n’arrête pas de nous demander des choses qui ne sont pas dans notre cahier de charges ou pour lesquelles on est pas du tout formé. On m’a donc demandé d’effectuer des travaux qui ont un coût important et pour lesquels je n’ai pas les compétences. C’est un énorme projet et on n’arrête pas de me demander où ça en est. Et si je fais quelque chose et ça ne marche pas, ce sera aussi de ma responsabilité…
On a donc un vrai problème de manque de personnel, mais aussi de chef∙fes qui ne connaissent pas le travail de terrain et nous donnent alors des tâches pour lesquelles nous ne sommes pas formés ou nous font porter des responsabilités qui seraient les leurs. J’essaie d’en parler avec mes collègues mais ce n’est pas toujours simple, la plupart des personnes s’accommodent avec la situation et font du mieux qu’elles peuvent.
Selim
Chronique de travail
Les chroniques du travail ont toujours été un outil syndical. Les travailleurs et les travailleuses y décrivent leur quotidien. On y raconte les difficultés, le manque de moyens, les méthodes de management, la division du travail, les horaires, l’intensité des tâches, la fatigue, etc. On y décrit également l’impact du travail sur nos vies.
Ces chroniques permettent aux membres du syndicat de se tenir au courant de ce qui se passe dans les autres secteurs, d’y voir des similitudes ou encore d’anticiper des nouvelles méthodes que tentent sans cesse d’implémenter le patronat pour nous exploiter et dominer toujours plus. Elles sont aussi de précieuses informations pour le travail d’analyse du syndicat et lui donnent les moyens d’affiner sa stratégie et ses revendications.
Nous souhaitons publier régulièrement des chroniques de travail. Envoyez-nous vos textes à nous
Elles peuvent être écrites dans votre propre style, pas besoin de se formaliser ! Nous pouvons aussi vous aider à la rédiger.
Schwarzi Chatz #71 Hiver 2023
Lange ists her! Doch nach über einem Jahr hat sich eine neue Redaktionsgruppe gefunden. Und voila, schon gabs kurzum eine neue Ausgabe!
In dieser Ausgabe:
- Verlängerung des GAV Maschinen-, Elektro- und Metallindustrie
- Girl Boss? No Boss!
- Die Grenzen des Rechtssystems
- Branchensyndikat Soziales
- Strike for Future
- La salaire a vie: parte I.